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L’arrivée du son au cinéma…

Par Romane LAURIER, publié le lundi 5 février 2024 13:57 - Mis à jour le lundi 5 février 2024 13:57
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Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le cinéma n’a pas toujours été parlant. En effet, ce n’est qu’en 1927 que la voix apparaît pour la première fois dans un long-métrage...

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le cinéma n’a pas toujours été parlant. En effet, ce n’est qu’en 1927 que la voix apparaît pour la première fois dans un long-métrage. Mais pourquoi et comment s’est soudainement manifesté le besoin d’introduire le son dans une industrie du cinéma déjà florissante ? D’où est venue cette folle idée de passer du muet au parlant ?

L'invention

Le cinéma sonore ne s’impose pas du jour au lendemain, comme on a tendance à le penser encore souvent. Il est expérimenté depuis 1894 par Thomas Edison, avec le kinétoscope, vite remplacé par le Vitaphone, développé par la Warner Bros dès le début des années 20, avec lequel le son est enregistré par un phonographe couplé au moteur de la caméra. Mais ce procédé pose vite des problèmes de synchronisation et de praticité de tournage : le dispositif, très sensible, surchauffe énormément et doit être isolé dans une sorte de sas insonorisé pour éviter aux micros d'enregistrer son ronflement, rendant les tournages en extérieur impossibles. Il sera vite remplacé par le système du son optique, où son et image sont automatiquement synchrones.

 

 

 

 

 

 

 

 


Le Vitaphone

La Warner est la première compagnie à se lancer dans le parlant. Elle produit d'abord une série de courts métrages, mais les salles de cinéma étant alors rarement équipées de systèmes de sonorisation, très peu de gens peuvent en bénéficier. Mais après un grand programme d'investissement de 3 millions de dollars pour installer des haut-parleurs dans l'ensemble du réseau de la Warner, sort en 1927 Le Chanteur de jazz, réalisé par Alan Crosland, premier long métrage dans lequel un acteur parle. Les dialogues restent cependant minimalistes et laissent la priorité à la musique. Le succès est tout de même déjà complet. Bientôt, tous les studios hollywoodiens sont entraînés dans l'aventure du parlant.

 

 

 

 

 

 

 

 


Le Chanteur de Jazz, 1927

 

Conséquences sur le plan artistique et controverses

 

Le cinéma sonore conquiert immédiatement le public. En revanche, tous les cinéastes ne se montrent pas aussi enthousiastes. Pour certains d'entre eux (Chaplin, Murnau, Clair), le son risque d'entraîner une régression du langage cinématographique, parvenu à la fin des années 20 à un haut degré de recherche esthétique. Pour beaucoup, le triomphe du parlant signifie non un progrès, mais une rupture, un retour en arrière.

Les lourdes contraintes techniques font en effet passer au second plan les exigences esthétiques. Les mouvements de caméra sont rendus pratiquement impossibles, les micros sont cachés dans le décor, les tournages en extérieurs ou en décors naturels sont exclus… Pour quelque temps, le cinéma est condamné au studio et a tendance à se figer.

Pour beaucoup à cette époque, le cinéma s’était donné la mort en abandonnant un silence qui, pendant trente ans, ne semblait déranger personne. Pourtant, à bien y réfléchir, les films muets n’étaient que rarement sans paroles, lesquelles, n’étant certes pas audibles, étaient visibles par l’intermédiaire des cartons. En 1926, le linguiste Boris Eikhenbaum disait : « Il est faux de qualifier le cinéma de “muet”. L’invention de la caméra a permis l’exclusion du mot audible […] cela n’élimine pas le rôle du mot ». Il semblait donc inévitable que le son se fraie un chemin dans le cinéma un jour ou l’autre.

En vérité, tout le débat était donc de se demander, du muet ou du parlant, lequel communiquait le plus directement ? Certains avancent que le cinéma, en devenant parlant, a abandonné son statut de langue universelle, qui avait fortement contribué à son succès. D’autres évoquent les trop nombreuses contraintes de tournage.

Mais en deux ans, les progrès techniques sont fulgurants, le matériel s'allège, se simplifie, on fabrique la caméra silencieuse. Une fois cette contrainte écartée, certains alors se mettent à qualifier le parlant de « nouveau moyen d’expression des sentiments et des émotions humaines » qui découvrira ce « qu’aucun autre art ne pouvait exprimer » (Prévost 1930).

 

En résumé, l'avènement du parlant au cinéma a représenté une étape révolutionnaire, transformant radicalement l'expérience cinématographique et ouvrant la voie à de nouvelles possibilités narratives. Cette transition, bien qu’initialement confrontée à des défis, a finalement redéfini l'industrie du cinéma, laissant un héritage indéniable qui perdure encore aujourd'hui.

 

Sources :

  • Pourquoi le cinéma devrait-il parler ? - Mireille Brangé
  • Le cinéma – Vanoye, Francis / Frey, Francis / Goliot-Lété, Anne. Le cinéma. Nathan, 2015. 175 p. Repères pratiques, 60. ISBN 978-2-09-163851-5
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